L’exploitation des données de santé françaises menacée de “marchandisation”?

publié le 4 juillet 2022

Fin juin, le magazine français Marianne publiait une tribune signée par Cyrille Dalmont, chercheur associé à l’Institut Thomas More spécialisé dans les matières de régulation et les enjeux éthiques du numérique. Une tribune qui dénonce le “dérapage” de la protection des données personnelles de santé, en France, menacée d’être désormais frappée d’un risque de marchandisation, de “business médical”.

En cause selon lui, la mise en oeuvre d’un entrepôt des données de santé, baptisé Agoria Santé, devant servir à un traitement automatisé, entrepôt dont la création et la gestion (collecte, traitement et octroi d’accès) a été confié à un consortium de sociétés privées (AstraZeneca, la start-up Impact Healthcare et Docapost, filiale de La Poste). Un fait qui est considéré comme une abdication des principes appliqués jusqu‘ici en France, au profit d’une “vision anglo-saxonne à caractère mercantiliste – pour laquelle, schématiquement, seul le profit des entreprises permet l’innovation – à laquelle la France se rallie en matière de santé.”

Cette dérive – qu’aurait donc autorisée la CNIL – est, toujours selon lui, un copié-collé français des orientations nouvelles à l’oeuvre au niveau de l’euro. “Aujourd’hui la sémantique de la protection des “données personnelles” ne permet plus de dissimuler la marchandisation de plus en plus massive des données personnelles et (non personnelles) voulue par la Commission. Elle souhaite en effet, comme le détaille sa Stratégie européenne pour les données, orienter la politique numérique européenne vers cet objectif qui doit permettre à l’Union européenne de devenir un acteur de premier plan dans une société axée sur les données”.

L’auteur critique le fait que l’exploitation potentielle qui sera faite des données n’aura d’autre bénéficiaire que le consortium en question: “Agoria Santé va valoriser et vendre à ses clients les données de santé des Français qu’elle aura collectées sans rien leur propose en retour. Et si de nouveaux traitements sont découverts grâce à ces données, les profits seront pour elle…”.

Et de qualifier ce projet de “doublon mercantile du Health Data Hub”, l’entrepôt public français constitué dans un objectif de santé publique, “avec traitement égalitaire d’accès aux données et garanties éthiques à fournir par les porteurs de projets”.

Un doublon, ajoute-t-il, “qui souhaite d’ailleurs coopérer avec le Health Data Hub afin d’avoir accès aux données de l’Assurance Maladie et enrichir ses propres données…”.

Lire la tribune “Santé numérique: quand nos données valent plus cher que nos libertés”, publiée sur le site Marianne.