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Nos données de santé: la digue est-elle rompue?

publié le 25 mai 2021

Dans une carte blanche, publiée dans le journal Le Soir, des médecins, responsables d’associations de défense des libertés, philosophes, juristes, des avocats, des académiques, des responsables de traitement de données… préviennent: “Nous glissons vers une technocratie de données où tous les verrous démocratiques ont sauté.”

Les données de santé figurent dans la liste des données que, dans des circonstances et pour des finalités diverses, le citoyen/patient est tenu de commuiqué à) l’une ou l’autre autorité.

Ce que dénoncent les signataires de la carte blanche, c’est l’opacité qui fait craindre un “glissement de la démocratie vers une technocratie des données […] pour des finalités dont la loi/le parlement n’a pas décidé de l’acceptabilité”: “Des milliers d’heures à fouiller, à interroger, à comparer, à nous challenger, à assembler les pièces du puzzle. Les craintes que l’on pensait relever du fantasme se sont avérées fondées.”

Ils craignent – comme d’autres dont les voix se font de plus en plus nombreuses – que l’exception justifiée par la crise sanitaire se transforme en pratique durable: “L’opacité du dossier est un de ses alliés. La pandémie également, avec la tentation simpliste d’opposer le pragmatisme au légalisme, la sécurité à la liberté. Force est de constater que nous n’avons ni les uns ni les autres, alors que les révélations récentes ont démontré qu’à côté du mépris pour le citoyen et ses droits, l’action publique en matière de gestion de données s’est illustrée par autant de petits couacs que d’échecs cuisants. Ce qui confirme que l’abandon de nos droits au profit de la santé publique est nocif à tout point de vue. Et relève d’une stratégie démagogique des plus vicieuses.”

Ne jetons pas l’enfant avec l’eau du bain…

“Les usages de nos données par l‘Etat ne doivent donc en principe pas nous faire peur. Ils sont garantis par un processus démocratique à plusieurs niveaux”, rappellent les signataires.

Mais… “la plupart des lois et arrêtés pris depuis le début de la pandémie se sont pour la plupart limités à prévoir que des données seraient utilisées, mais souvent sans les énumérer, et plus grave encore, sans nous expliquer pourquoi et par qui.”

[…] “Le partage de nos données n’est plus décidé par nos parlementaires, consigné dans une loi accessible à tous et susceptible de recours. Ce partage est simplement mis en œuvre, sans cadre légal, par des institutions qui se sont autoproclamées aptes à en décider, qui en ont mandaté d’autres pour organiser la tuyauterie, le tout avec la bienveillance de comités et fonctionnaires que l’on a laissés s’installer et qui valident les différentes étapes de cette grande mise en commun de nos données. Ces échanges ne sont plus prévus par des lois, ne sont plus soumis aux avis des autorités de contrôle que sont l’APD et le Conseil d’Etat, et ne sont plus susceptibles de recours. Tous les verrous ont sauté.”

La mécanique est-elle arrêtable?

“Le numéro de Registre national s’est transformé en un identifiant unique généralisé facilitant l’échange et le recoupement des données issues des réseaux de la santé, de la Sécurité sociale et des bases de données fiscales. La loi Only once (2014), garantissant le principe de « collecte unique » des données (censé faciliter la vie des citoyens et des administrations), a été détournée de son objet pour justifier de nouveaux échanges de données.”

Les signataires s’interrogent face à ce qu’ils estiment être “une mise à mort organisée, en plusieurs étapes, du système démocratique”: “écueil technocratique ou système parallèle sciemment mis en place?”. Et ils lancent cet appel: “Il est urgent que le parlement, qui nous représente, réagisse et exerce les prérogatives pour lesquelles nous l’avons élu.”

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