Médecine personnalisée: le patient-sujet ou le patient-objet?

publié le 5 novembre 2019

Qui dit “médecine personnalisée” (au sens où on l’entend à l’heure du “big data”) suppose d’appliquer à des masses impressionnantes de données, collectées à diverses sources, des solutions d’analyse décisionnelle, en ce compris à dimension prédictive.

Dès lors comment déterminer quelles données personnelles seront collectées, quel type de traitement leur sera appliqué, quels organismes, sociétés, acteurs de tous poils y auront (un jour) accès, ou encore quelles sont les balises éthiques à respecter?

Un article, publié en octobre sur le site The Conversation, revient sur le sujet, sous le titre “Médecine personnalisée: attention à la collecte massive des données”. Co-rédigé par des experts en droit privé et en sociologie, il pointe certains risques de dérives dans la collecte de données personnelles, une collecte et des utilisations qui vont parfois au-delà de la finalité recherchée.

Exemple: les solutions de prise de rendez-vous via une plate-forme Internet ou appli mobile. “Via ce procédé, d’autres éléments relatifs à la prise de rendez-vous sont recueillis (spécialité du professionnel, fréquence des rendez-vous…). Autant d’éléments qui peuvent informer sur l’état de santé d’une personne. De telles données personnelles présentent une utilité pour la recherche en santé, mais leur usage risque aussi d’être détourné à des fins moins nobles.”

Le nombre d’acteurs qui se positionnent dans le champ de la “médecine personnalisée” ne fait que croître et dépasse largement le cadre d’intervenants publics. Cette multitude d’acteurs impliqués complexifie la situation, explique l’article. Les structures privées se multiplient, selon un éventail d’activités très variable, soulignent les auteurs: créateurs de “wearables” (objets connectés), hébergeurs… Leurs motivations et finalités sont-elles toutes acceptables ou même prévisibles?

L’article évoque aussi le problème potentiel de l’utilisation des données pour de la “surveillance” des patients assurés: “Les données peuvent en effet devenir des instruments de preuve pour démontrer que l’hygiène de vie du patient ou de l’assuré n’est pas suffisamment saine. Plane alors la menace de leur utilisation à des fins de contrôle social et sanitaire. Certaines complémentaires santé proposent ainsi des objets connectés en santé aux assurés, et leur fournissent des bons d’achat en contrepartie de leur bonne utilisation.” Le risque sous-jacent? “Faire passer les personnes au second plan, tant individuellement que dans le cadre d’un système de santé supposé collectif et solidaire”.

A lire sur The Conversation: “Médecine personnalisée: attention à la collecte massive des données”.