Health Data Hub français: “cheval de Troie” de la marchandisation des données santé?

publié le 23 avril 2020

Le Health Data Hub français continue de faire couler beaucoup d’encre. Cette plate-forme mise en oeuvre par le gouvernement français vise à centraliser et rendre accessibles, à des acteurs publics et privés, à commencer par les chercheurs et les développeurs de solutions basées sur l’intelligence artificielle, l’ensemble des données de santé (tant médicales que de nature administrative). L’initiative s’inscrit dans le cadre de la stratégie de souveraineté et de compétitivité française en matière d’IA et de modèles analytiques intelligents.

Sont concernées à la fois les données recueillies par l’assurance maladie, les fichiers et historiques de données constitués et gérés par les hôpitaux et les données générées et collectées par les médecins généralistes et les pharmaciens. 

Dans un article intitulé “Health Data Hub ou le risque d’une santé marchandise”, les auteurs rappellent les enjeux et les éléments sujets à controverse – vie privée, sécurité et exploitation des données, objectifs économico-stratégiques réellement poursuivis, remplacement de l’avis et des actes humains par l’algorithme, imprécisions en matière de consentement patient et de responsabilité médicale, manque de transparence sur les termes de l’accord contractuel passé avec Microsoft (pour l’hébergement des données)…

Les auteurs de l’article considèrent que la plate-forme et le cadre qui a été défini manquent “de précisions et de garanties”. Premier reproche: un accès à terme payant aux “services” et résultats de recherche qui seraient menés par des acteurs privés (start-ups, etc.) alors que ces services et résultats auront pu être générés à l’aide des données librement mises à disposition avec le consentement des citoyens-patients.  Ou, pire, l’incapacité dans laquelle ces derniers se trouveront de tirer parti de ces résultats.

Deuxième risque souligné: celui d’une centralisation des données qui, “en les éloignant de leur lieu de collecte, les décontextualise en prenant le risque de mal les interpréter. […] L’application des algorithmes au soin devient alors moins précise. En effet, en éloignant géographiquement le lieu de collecte du lieu de traitement, on perd le bénéfice d’un aller-retour correctif entre les algorithmes et la pratique réelle des soins sur de vrais patients.”

Autre menace pointée du doigt, toujours en raison de cette centralisation: l’accroissement du risque en cas de cyber-attaque.

Les auteurs se font accusateurs à certains moments: “Le Health data hub semble s’engouffrer dans une logique de marchandisation du secteur de la santé, en valorisant les partenariats public et privé et en faisant du numérique la solution miraculeuse aux nombreux dysfonctionnements de l’hôpital public.”

[…] “Les millions d’euros accordés au Health Data Hub n’ont pas servi à la recherche scientifique sur les coronavirus, ni à revaloriser le salaire des praticiens hospitaliers, ni à leur fournir les matériels nécessaires à leur métier et à leur protection. ”

[…] Les GAFAM en embuscade. Les entreprises certifiées hébergeurs de santé type Amazon ou Google pourront réclamer un point d’accès depuis Microsoft aux données de santé au motif assez indistinct d’un simple intérêt pour la recherche clinique.”

[…] Le transfert de compétences ou la dépendance technologique est moins le présage d’une France qui ferait la course en tête dans le champ de l’IA médicale que celui d’une perte d’autonomie des milieux hospitaliers, d’une dépossession d’expertise de l’informatique médicale vis-à-vis de leurs bases de données et leur capacité à contrôler leurs environnements et leurs outils de travail numérique (autant de tâches qui seront largement confiées à des prestataires privés non-médicaux).”

Ces risques, craintes et accusations et bien d’autres sont à découvrir dans l’article “Health Data Hub ou le risque d’une santé marchandise” publié sur le site Le Vent Se Lève (lvsl.fr).

A consulter également, le site Internet du Health Data Hub.